Avec sa belle-mère, qui habita là de son mariage à son départ pour une maison de retraite à 93 ans, elle allait au grand lavoir, supprimé avec la construction de la rue de Préfailles et ses immeubles. « Le soir, les gens se réunissaient au square, mignon comme tout. Les femmes tricotaient, ça se faisait beaucoup à l’époque. Les enfants jouaient. C’était la belle vie, bien plus qu’aujourd’hui. »
Aujourd’hui, si « on se parle beaucoup dans la rue », on se réunit très peu. Le repas collectif du « printemps des voisins » ne remporte guère de succès. « Ça s’est fait, mais ils étaient tous saouls le soir ! » commente Danièle
Vilain. Elle est arrivée il y a une vingtaine d’années, expulsée de son appartement, sans avoir choisi le quartier qu’elle ne connaissait pas. Elle travaillait chez des personnes âgées, une profession qu’elle appréciait : « On discute avec les personnes, on connaît leur vie. On apprend des choses intéressantes. »
Virées entre copines
Danièle Vilain a rejoint, avec une autre voisine joliment prénommée Mimosa, le groupe des « vieilles copines » d’Andrée Le Tanter. Tous les mercredis midi, elles déjeunent ensemble au restaurant. Elles bavardent : « Les hommes en prennent plein leur giron ! »
Danièle Vilain aime « aller en ville, par le tram. Je regarde les vitrines, je fais mon marché le samedi à la Petite Hollande, des fois je vais à Atlantis. » Elle fréquente l’atelier multimédia du centre socioculturel Accoord des Bourderies : « C’est comme ça que j’ai pu mettre les photos de mon appareil sur mon ordinateur ! »
Andrée Le Tanter ne goûte pas ces plaisirs-là. Dès l’âge de 16 ans, elle a vendu des fruits et légumes au marché : « Les marchés, j’en suis ratatouillée ! ». Elle n’apprécie ni les grands magasins ni l’affluence en général. Pas davantage les activités collectives du Centre. « Je n’ai pas envie d’y aller.
J’ai des copines qui viennent, je trouve ça plus rigolo. » Son bonheur, ce sont les balades à pied. « J’aime bien faire mes petits tours par là. J’y vais le matin de bonne heure. Vers 11 h, je vais acheter mon pain, et j’y retourne. Encore vers 16 h, et puis après manger le soir. »
Ça va être que du béton !
Plusieurs fois par jour, donc, Andrée Le Tanter emprunte la rue Étienne-Hervais, et parvient à une zone jadis très arborée, qui subit une rénovation très forte. « Ils nous ont fait une razzia dans le fond ! Ça me chagrine, car j’allais toujours faire mes tours dans les petits jardins. Détruire le petit parc avec des beaux arbres, quel massacre ! Bientôt, il n’y aura plus du tout de verdure ! Il y a une dame qui en a fait une dépression. » L’abattage des arbres qui bordaient les rues la contrarie particulièrement : « Il y avait de beaux cerisiers. » Consolation partielle, il n’est prévu d’y construire, selon cette femme bien informée qui suit quotidiennement les travaux, que des petites maisons.
En revanche, Andrée Le Tanter ne s’inquiète aucunement de l’arrivée de nouvelles habitantes et habitants.
Déjà, elle a fait des connaissances : « Je rencontre plein de monde et je discute. Je crois bien que je suis la seule dans le quartier à faire ça. »