bientôt mères de cinq enfants chacune (« trois gars, deux filles, tout pareil ! »). Si Mado occupe un emploi (« J’ai fait un peu de tout. »), la plupart des femmes restent à la maison, à la disposition de leur famille, souvent nombreuse. Elles se retrouvent au centre social : « Il y avait du monde ! On apprenait à faire la cuisine, à tricoter. On faisait des excursions. On est allé à Paris, à la neige, deux fois, à la Venise verte... C’était vraiment bien ! » Le soir, chacune rentre chez soi. Commence alors la deuxième vie : celle du soir, avec les maris.
Les hommes tissent peu de liens personnels. Mais ils participent aux festivités de voisinage. « On allait les uns chez les autres, boire un petit café. Si on faisait une petite fête, tout le monde venait. » Entre
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kermesses des écoles (« Tout le monde
était là, il y avait des stands partout, on dansait... »), longues tablées dans les jardins, parties de rami interminables
(« Le boulanger laissait sa porte de derrière ouverte, on allait lui chercher des gâteaux à deux heures du matin ! »), rencontres
devant l’épicerie ou la poissonnerie du coin, jeux collectifs des enfants (« Des fois, j’en avais quinze dans mon jardin ! »), la convivialité rythmait les jours.
Peu à peu, le départ des enfants et la fermeture des commerces nuisent à la vie collective. Le coup de grâce est donné par l’expropriation des habitant.es des immeubles jouxtant la rue du Fer-à-Cheval. La vue des fenêtres obstruées depuis deux ans atteint le moral de celles et ceux qui restent : « Tout est vide, ça fait triste. » Cependant, la maison de Liliane ne désemplit pas : « J’ai toujours eu du monde chez moi. » Les deux sœurs reçoivent quotidiennement la visite de leurs enfants et petits enfants : « On a toujours été comme ça, très proches. » La solidarité intergénérationnelle n’est pas un vain
mot ici. Et, sûr, elle survivra à la démolition des pavillons, puis au retour dans des maisons neuves. ■